Jeu du foulard et anxiété : braver l'interdit, faire face au danger
Introduction
Le jeu du foulard, phénomène encore tabou, reste très discret dans la littérature. L’étude pionnière de Blanchard et Hucker (1991), envisageant le jeu du foulard comme pratique spécifique, a permis de mettre en évidence des strangulations singulières, qui ne répondaient ni aux caractéristiques des activités paraphiliques ni à celles des conduites suicidaires, la recherche de Le et Macnab (2001) faisant état du décès de quatre enfants entre 7 et 12 ans et du coma d’un cinquième dans des sanitaires de collèges, contribuant, par la suite, à asseoir la distinction entre suicide et jeu du foulard.
Ce jeu consiste à se déclencher ou à provoquer chez autrui une syncope par une strangulation diminuant l’oxygénation cérébrale. Il en résulte des sensations de picotement et de tournoiement, voire des hallucinations. Dans l’esprit des joueurs, ce n’est qu’un jeu, dont les règles sont simples : après une hyperventilation, obtenue par de grandes inspirations et quelques flexions rapides des genoux, on procède à une compression des carotides (par pression des doigts ou avec un foulard) pour couper la circulation sanguine cérébrale. Il y a, alors, risques de spasmes et de convulsions avec perte de conscience. Si tout va bien, le joueur, « réveillé » par ses camarades, peut raconter aux autres ses « visions » (Colin, 2012).
Le regard anthropologique permet d’envisager ce jeu au carrefour des enjeux identitaires et sociaux, comme le souligne Bour (2006), en distinguant trois types de strangulations ludiques : le jeu initiatique, le jeu intime et le jeu auto-érotique. La conduite groupale initiatique glisserait insidieusement vers une pratique intime plus dangereuse, car moins contrôlée (Cochet, 2001).
Si les profils des jeunes pratiquants sont relativement peu connus, les études générales sur les adolescents dits « preneurs de risques » relèvent, en revanche, une récurrence du trouble anxieux (Marcelli, Mezange, 1999). C’est dans cette perspective que la présente étude cherche à évaluer la cooccurrence entre anxiété et pratique du foulard chez dix collégiens, garçons et filles de 13 à 15 ans, reconnaissant s’y adonner.
Jeu du foulard et transition adolescente : la recherche d’une homéostasie ?
Les remaniements inhérents à l’adolescence et le travail du pubertaire (Gutton, 1991) ne sont pas sans générer une angoisse diffuse, pouvant relever du trouble anxieux, tel que défini par Dumas (2005). En polarisant l’affect sur la conduite, les jeux dangereux peuvent alors apparaître comme un moyen de régulation émotionnelle (Michel, 2006 ; Michel, Purper-Ouakil, Mouren-Simeoni, 2006). À l’adolescence, les conduites à risque revêtent un caractère naturel, devenant une manière d’explorer tant les capacités nouvelles que l’environnement.
Mettant à l’épreuve ce qu’il a expérimenté dans l’enfance, l’adolescent s’approprie les limites de ses nouvelles possibilités. Ses conduites peuvent devenir habituelles, allant de pair avec sa quête d’autonomie, manifestant sa volonté de contrôler son environnement, mais aussi son propre comportement. Étape de la construction de la personne, cet engagement exprime le conflit des jeunes, tant avec les normes que la société leur prescrit, qu’avec les contraintes que les parents leur imposent, dans la mesure où elles leur semblent aller à l’encontre de leur désir d’indépendance. Les adolescents ont besoin d’expériences nouvelles et intenses, de sensations fortes et singulières. D’où leur quête de vertige, leur besoin de passer outre (d’outrepasser ?), d’aller au bout, d’éprouver cette invincibilité, voire cette immortalité, qui leur prouvent qu’ils sont vivants (Michel, 2001 ; Coslin, 2003). L’un des moyens d’être sûr d’« être vivant », n’est-il pas de se rapprocher d’une « mortalité possible » ?
Le risque n’est cependant pas un but en soi. L’adolescent ne veut pas mourir. C’est, plutôt, une nécessité intérieure, où il entend se révéler à travers une adversité, créée de toutes pièces, qui lui permet d’exister aux yeux de ses camarades (Jeammet, 2007, 2008). Certaines conduites à risque se manifestent à travers des comportements déviants, comme la délinquance, la prise de drogues illicites et la consommation abusive d’alcool ou, encore, ces jeux dangereux, n’ayant rien de ludiques, qui, comme le jeu du foulard, prolifèrent au sein des établissements scolaires, aux côtés des jeux d’agression intentionnels ou contraints. Ces jeux entretiennent chez les jeunes la conviction d’appartenir à un groupe, à l’intérieur duquel le hors limites et le fun sont appelés à désigner de nouveaux repères, où ils trouvent une nouvelle affiliation et se voient reconnus, participant à une action qui leur semble prestigieuse par le courage qu’elle requiert et, ainsi, les valorise.
En quête d’identité, ils y trouvent une réassurance dans la similitude avec leurs pairs, le foulard créant, pour eux, du sens, en même temps qu’il leur permet d’intégrer un groupe (Coslin, 2010). Ils n’imaginent pas les conséquences tragiques potentielles : des séquelles irréversibles à la mort. D’ailleurs, si cette représentation leur était accessible, ne serait-elle pas biaisée par la réversibilité permanente de la mort qu’offrent les jeux virtuels, comme si la mort, elle, avait une fin, une limite ? Paradoxal, le foulard, ce lien, ferait alors office d’entrave sur fond d’incertitudes.
Anxiété et prise de risque
Si la prise de risque est inhérente à l’adolescence, elle n’en cache pas moins souvent une détresse, un moyen d’échapper à l’angoisse par la recherche de sensations fortes (Michel, 2001). Dans le jeu du foulard, comme dans d’autres conduites d’essai contenant un danger potentiel, l’adolescent cherche à tester ses capacités physiques dans un affrontement périlleux, mais aussi à calmer ses inquiétudes. Dans cette pratique, la peur est attachée à un objet précis, à une situation bien identifiée, alors que l’angoisse qu’il ressent plus généralement est diffuse et non identifiable, son anxiété ayant trait à l’attitude d’attente d’évènements imprévus, qu’il vit à l’avance avec désagrément.
Le foulard lui permet de tester son autonomie en dépassant l’angoisse qu’il ressent, tiraillé qu’il est entre un deuil difficile de l’enfance et un défi vibrant qu’il lance à un devenir imprécis. Cela lui permet aussi de gagner en indépendance vis-à-vis du contrôle parental, s’extirpant de la passivité infantile, mais, plus encore peut-être, de se prouver qu’il existe, puisqu’il démontre sa capacité de vaincre sa peur de mourir, en survivant à un danger délibérément recherché, établissant ainsi sa légitimité à vivre. Entre passivité et maîtrise active du danger, le jeu sur le fil – par le jeu du foulard – ne pourrait-il pas se lire comme une manière de dompter la peur, mais, aussi, de donner l’illusion d’une maîtrise de cette peur, jusque dans son anticipation ? Le jeu du foulard pourrait alors s’envisager comme une tentative de canaliser la peur… d’avoir peur : entre présent et anticipation, carrefour de l’adolescence.
L’identité adolescente et la « peur de la peur » de devenir
Le manque de contrôle, teinté d’anxiété, est au cœur de la problématique adolescente. Tout comme le risque, la peur d’avoir peur (Dumas, 2005), peut être développementale, se déclinant entre tonalités normale et pathologique. L’anxiété-état se distingue de l’anxiété-trait, la première induisant une dimension temporaire, susceptible d’apparaître chez tout individu, la seconde renvoyant au caractère potentiellement inné, individuel, voire pathologique (Spielberger, 1966). Aborder la question de l’anxiété induit nécessairement la distinction de ses différentes formes cliniques, parmi lesquelles il convient de souligner, à l’adolescence, la prépondérance d’anxiétés sociale et généralisée (Schneier, Weilkowitz, 1996 ; Servant, Parquet, 1997). Le versant relationnel de l’anxiété s’inscrit, en effet, dans la problématique identitaire et sociale traversée par le jeune, celui-ci devant redéfinir ses rapports aux autres dans un contexte de mouvance somatique et intellectuelle. L’anxiété généralisée ou flottante (Rouillon, 2005) suppose, alors, le recours à l’agir comme canalisation de l’affect. L’émergence anxieuse adolescente serait, ainsi, au carrefour d’une libération polymorphe : libération du corps, du psychisme et des représentations de soi, plaçant l’adolescent dans une attente d’objet, dont le caractère diffus évoquerait le versant généralisé de l’anxiété (Braconnier, 2001). Ce serait justement dans ce palliatif à l’attente, dans ce jeu sur le vide que les jeux dangereux et, notamment, de « non-oxygénation » – par les sensations qu’ils procurent et qui supplantent très largement le registre de la représentation – donneraient, à ces jeunes, l’illusion de lier affect et percept.
Problématique et hypothèses
Le jeu du foulard doit donc être abordé sous l’angle des sensations qu’il induit, particulièrement dans la transition adolescente. Il entraîne, en effet, la peur et l’excitation que recherchent avidement certains jeunes, en particulier dans les premiers temps où ils expérimentent la pratique en quête de dépassement de l’interdit et d’accès à une maîtrise illusoire de soi et des autres. Ce besoin d’approcher la mort participe à en faire une conduite ordalique, en ce sens où ces jeunes s’engagent dans une activité leur rappelant leur état de mortel, où ils s’en remettent au hasard, avec l’illusion de pouvoir maintenir la maîtrise et le contrôle de leur vie. La pratique du foulard peut, dès lors, être comprise comme une tentative d’expérimenter l’extrême pour ne plus le subir. En éprouvant les limites de la vie, ces jeunes tentent d’accéder symboliquement à d’autres repères et se rassurent sur les limites dont ils ont besoin pour exister. Le corps est au centre de la problématique adolescente, fragilisation narcissique due aux bouleversements physiques et à la restructuration psychique que la puberté impose. Les transformations corporelles provoquent une mutation, mêlant soudaineté et violence. Le sentiment de soi étant fluctuant, le jeune ressent sourdement un danger menaçant son intégrité. Il connait l’angoisse fondamentale de perdre le contrôle de son corps. Subissant le regard des autres, il cherche à maîtriser ce corps surinvesti, à le mettre à l’épreuve, comme dans le jeu du foulard. Cette pratique et la peur qu’elle entraîne restitueraient une limite, sorte de garde-fou l’empêchant de sombrer, l’auto-calmant en quelque sorte, lui permettant d’accoucher d’un nouveau moi, se démarquant de l’ancien troublé par l’avènement de la puberté, venant se plaquer sur ses angoisses pour l’en libérer.
Les hypothèses suivantes peuvent, alors, être posées :
-
cette pratique devrait revêtir un caractère bénéfique auto-calmant sur fond d’une conscience plus ou moins explicite du danger ;
-
les adolescents reconnaissant pratiquer le foulard devraient présenter un tableau anxieux particulièrement prononcé, sur le versant social comme sur le versant généralisé.
Méthodologie
Cette étude a pour objet d’étudier la cooccurrence entre anxiété et pratique du jeu du foulard, portant plus particulièrement sur les poids de l’interdit et de la dangerosité perçue, et sur le caractère auto-calmant du jeu, en relation avec l’anxiété. À cet effet, un entretien directif a été conduit auprès de dix adolescents scolarisés en classes de 5e, 4e et 3e des collèges.
Matériel
Le guide d’entretien, présenté à l’annexe 1, comprend 12 grand thèmes, auxquels correspondent 18 questions, visant la mise au jour des modalités de pratique, au regard des problématiques latentes : identitaires, groupales et potentiellement anxieuses. La progression des questions est orientée dans une dynamique de centration, partant d’une définition globale, pour envisager le jeu d’autrui, puis étudier la nature, la fonction et le sens de la pratique personnelle, en envisageant le rapport au corps.
Procédure
La passation est orale et bénéficie d’un enregistrement audio, permettant une retranscription exacte des réponses. Après que les parents aient donné leur accord pour que leur enfant participe à une étude, portant sur « les conduites à risques adolescentes », les sujets sont rencontrés individuellement dans le lieu de leur choix. Ils sont informés du caractère anonyme de cette recherche et de leur liberté totale, tant dans le temps dont ils disposent pour répondre aux questions, que dans le contenu de leurs réponses, de leur possibilité de ne pas répondre à une question et de couper court à l’entretien à tout moment.
Participant à cette recherche, ils acceptent que la passation fasse l’objet d’un enregistrement audio, dont l’usage restera strictement confidentiel.
La passation commence par un recueil de données factuelles : choix d’un pseudonyme, âge, sexe, classe, autoévaluation du niveau scolaire, lieu et conditions de vie, fratrie, profession des parents, etc. Puis nous procédons à la réalisation de l’entretien semi-directif avec chacun des jeunes.
Sujets
L’étude porte sur dix collégiens : cinq garçons et cinq filles, âgés de 13 ans et deux mois à 15 ans et trois mois, constituant un échantillon « boule de neige ». À partir de deux jeunes, connus par nous pour leur pratique du jeu du foulard, huit autres répondants ont été ajoutés, à partir des recommandations faites par les premiers. Les caractéristiques sociodémographiques de ces collégiens sont présentées à l’annexe 2.
Résultats
Après avoir, dans un premier temps, décrit les tendances des pratiques reconnues par les jeunes, nous nous attarderons sur les sensations mises en avant, leur rapport au danger et à la transgression d’un interdit, nous nous intéresserons au caractère solitaire ou collectif et aux variantes du jeu, puis à la peur et à l’anxiété, ainsi qu’à la conscience de la dangerosité qui peuvent y être associées, pour enfin reprendre nos hypothèses.
Les adolescents rencontrés dans le cadre de cette recherche « parlent de », mais « parlent aussi sur » le jeu du foulard, mettant explicitement en avant les dimensions cathartiques de cette pratique, au carrefour de l’individuel et du collectif, et qui, selon les dires des jeunes, semble devenir de plus en plus familière.
De l’initiation à la perpétuation
Si les pratiques présentent nombre de similitudes, les initiations semblent quelque peu diversifiées. Jérôme a été initié au jeu du foulard par l’un de ses amis, qui l’avait lui-même découvert sur un site Internet, réservé aux adultes. Pierre a commencé par curiosité, un camarade lui en ayant parlé, puis il a poursuivi pour voir jusqu’où il pouvait aller. Chloé a, de même, imité sa meilleure amie, voulant voir de quoi il s’agissait. Elle a continué « comme tout le monde… et parce que franchement elle aime », y pensant, parfois, même pendant les cours. La conduite s’inaugure et s’installe progressivement, comme une sorte de rituel sensationnel, qui repousse, toujours plus loin, la limite, qu’il s’agisse de la limite, en tant que durée de jeu, de la fréquence, ou de l’intensité. C’est à celui qui tiendra le plus longtemps.
Les sensations, le danger, l’interdit
Différenciées selon la manière dont elles ont été initiées, ces pratiques n’en révèlent pas moins une commune recherche de sensations. Pour Jérôme, qui y joue depuis un an et demi, le jeu du foulard n’est pas vraiment original, mais il plait aux jeunes parce qu’il est « excitant » et que, comme dans les sports extrêmes, « plus on en fait, plus on en veut ». Pierre, qui y joue depuis six mois, sait « qu’on est sur le fil, qu’on risque de se ramasser… c’est surtout ça… et puis, franchement, de toutes façons, vu le nombre qui jouent, y’en a pas beaucoup qui meurent ». Il dit jouer avec son corps, voir jusqu’où il peut aller, se lancer des défis. Arthur y joue depuis un an. Il pense que « pour une fois, on peut faire des trucs dangereux, qui sont pas interdits. Enfin, si bien sûr que c’est un peu interdit, mais pas dans la loi… donc c’est moins grave et puis faut pas pousser non plus, on prend pas de la cocaïne… ». Pour Bertrand, qui joue depuis un an, « c’est bien, c’est autre chose… ça change des longues journées de cours, ça les fait passer plus vite… » et, pour Damien, qui joue également depuis un an, malgré des tentatives infructueuses de s’arrêter, « c’est une drogue bon marché ». Chloé trouve que « c’est bien parce que c’est interdit », que cela apporte des sensations qui font du bien, « comme si on quittait le vrai », et que cela permet de montrer son courage, surtout pour les garçons. Elle cite un de ses camarades masculins, qui dit même « que ça fait des trucs qu’on peut pas comprendre, nous, les filles quoi… mais c’est parce qu’à mon avis il se prend vachement au sérieux. Pour lui, on dirait que c’est pas un jeu comme nous ». Samira, qui ne joue que depuis quelques mois, insiste également sur les sensations que lui apporte le jeu, mais aussi sur le courage qu’il implique : « comme quand t’as très peur de faire un truc mais que tu le fais quand même parce que ça te fait du bien et que t’es trop fière ». Ici, si le jeu sur « le fil », est au premier plan, la dimension auto-érotique est très prégnante, et n’est pas sans rappeler les théorisations de Swec (2004) autour de l’orgasme du moi.
Un jeu souvent partagé
Quelles qu’en soient les motivations, la pratique collective, au moins duelle, apparaît prépondérante chez les sujets, seulement deux adolescents, Pierre et Elsa, revendiquant une pratique solitaire. Pierre sait qu’il y en a qui jouent en groupe mais préfère être seul, même si c’est un peu plus dangereux, il « maîtrise ». Tous les autres jeunes interrogés jouent avec des camarades, même si, pour certains, ils ont joué en solitaire dans un passé plus ou moins récent. Ainsi, Jérôme et Arthur ont commencé par une pratique solitaire, puis, la conscience du danger les a chacun conduit à s’adonner au jeu de façon collective, faisant de l’autre un objet de réassurance, mais aussi de concurrence. Ils jouent l’un après l’autre en se laissant un temps de récupération entre les deux, par souci de sécurité. Bertrand dit jouer, le plus souvent, à trois ou quatre… dans les toilettes ou dans les vestiaires, après les deux heures de sport, quand ils sont « bien crevés… », cela les « aide à se remonter ». Il précise qu’ils jouent ensemble, parfois deux en même temps, parce que c’est plus facile pour comparer. Damien, Chloé, Samira, Coline et Manon, eux aussi, jouent de façon collective.
Cet appel à l’autre, comme autant de jeux de miroirs, peut, peut-être, également, se lire comme un besoin d’être étayé, parfois même d’être sauvé, ou rattrapé entre un pôle actif – la strangulation – et la libération passive – la chute. Si la canalisation de l’excitation psychique par le soma permet, dans le discours des adolescents, de recouvrer une certaine anesthésie – notamment sur le plan affectif –, cet effet de pansement ne dure malheureusement pas longtemps, cédant très rapidement à la peur, l’anxiété, voire la peur d’avoir peur, dont il convient rapidement de se débarrasser de la façon la plus « économique » possible.
Des pratiques empreintes de peurs
Si la plupart des pratiques avancées par ces jeunes impliquent, le plus souvent, d’être partagées, il n’en existe pas moins plusieurs façons de jouer, toutes vecteur de peurs. Jérôme, officiant souvent dans sa chambre, utilise des lits superposés pour se pendre, quand « il ne se sent pas en forme », pour se contenter du foulard, mais il arrête alors de jouer plus rapidement, par crainte de ne pas se réveiller. Il joue en présence de ses amis et prévoit une bouteille d’eau destinée à « forcer les réveils douloureux ». Certes, a-t-il peur quand il joue, surtout avant de jouer, mais, dit-il, « si y’avait pas le danger, ce serait pas drôle. On est des sportifs de l’extrême en quelque sorte… ». Pierre, pour jouer, s’enferme dans sa chambre, quand sa mère est couchée. Il utilise un foulard, la sonnerie de son réveil devant lui permettre d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Il n’ose pas « aller vraiment au bout », n’étant pas sûr de ne pas « partir dans les pommes », ayant « peur de ne pas revenir ». Il a surtout peur avant, car il ne sait pas comment cela va se terminer. Après aussi, s’il « pense à ce qui aurait pu se passer », mais il évite, parce que, justement, s’il y pense trop, « ça flingue le truc ». Arthur utilise une ceinture de pyjama. Lui aussi a peur avant, jamais après : c’est « comme un truc qui vous effraie à mort, mais auquel vous sentez… que vous en avez vraiment besoin… pour vivre je veux dire… c’est un peu comme une drogue… douce je veux dire ».
Chloé décrit sa manière de jouer au foulard : « On est en rond. On attend notre tour et quand ça part un peu en vrille on réveille celui qu’a joué en lui versant un peu d’eau et puis il nous raconte. C’est bizarre parce que ça nous fait pas tous la même chose ». Elle a peur avant, un peu comme avant un contrôle et, quand elle se réveille, elle n’est pas toujours très bien, mais elle n’a plus peur, « parce que ça veut dire qu’elle a réussi et qu’elle peut raconter aux autres ».
Dans le discours des jeunes, il est aisé de noter la récurrence d’une peur très ambivalente. La peur alimente le jeu, mais s’en nourrit également. Elle a un objet – la strangulation – mais elle en est également le but, inscrivant le sujet dans une sorte de cercle vicieux : entre montée d’excitation et descente, dont les mouvements ne sont pas sans rappeler les théorisations freudiennes dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité (Freud, 1905). À défaut de pouvoir être représentée, l’angoisse serait agie. Le foulard, jouant sur le percept, canaliserait somatiquement ce qui ne saurait être représenté dans l’appareil psychique encore immature de l’adolescent. L’angoisse diffuse serait, vainement et sans cesse, canalisée par un acte, lui-même vecteur d’angoisse. L’angoisse serait contenue par une peur, devenue objectalisée, qui serait, potentiellement, vecteur de la peur d’avoir peur.
Une anxiété récurrente ?
La peur ressentie dans le jeu du foulard, relève-t-elle d’une anxiété récurrente chez les jeunes que nous avons rencontrés ? Si Jérôme se reconnaît souvent inquiet, mais ne sait si c’est sans raison, pour Arthur, cela dépend, mais, en général, il ne l’est pas trop, un peu dans son travail, mais pas plus que ça. Quelquefois, il se pose des questions sur son avenir, essaye de s’imaginer dans dix ans, ajoutant, en riant, « je ne vois pas grand-chose en fait ! ». Bertrand ne sait pas. Pour lui, c’est plutôt non que oui, mais il se souvient que « quand il était petit, il avait peur de tout, tout le temps… qu’il arrive des catastrophes, ou ce genre de trucs… mais aujourd’hui, ça va mieux… ». Damien a toujours été anxieux. Quand il était en 6e, ses camarades se moquaient de lui parce qu’il avait peur de tout. Il ne le montre plus aujourd’hui, mais n’en est pas moins inquiet : « C’est vague, je ne sais pas pourquoi, mais c’est normal… je pense qu’être trop zen dans ce monde, ce serait un peu bizarre ». Chloé ne sait pas trop, non plus. C’était, dit-elle, quand elle était petite qu’elle était inquiète. Maintenant, non. « C’était quand mes parents ont divorcé… (silence) Mais du coup, c’était pas du tout sans raison… (silence). En fait, le médecin il m’avait donné un truc un peu dégueu… de l’Euphytose pour le stress, mais c’était nul ». Elsa se dit également un peu inquiète, pour sa mère surtout... « faut dire qu’avec son job, c’est pas facile de pas être inquiète… je suis peureuse… un peu mais ça me fait bizarre, j’ai pas l’habitude d’en parler ». Dans le discours de Coline comme dans celui de Pierre, nous retrouvons des éléments en faveur d’une anxiété installée.
La conscience d’un danger
Si la récursivité de l’angoisse n’est pas vraiment établie, la conscience du danger associé au jeu du foulard semble marquée chez tous les pratiquants, mais d’un danger qu’ils considèrent non sans ambivalence. Il était, en effet, proposé aux sujets de noter la dangerosité qu’ils associaient au foulard, sur une échelle s’étendant de 0 à 5, sachant que 0 désignait « pas du tout » et 5 « très dangereux ». Jérôme pense que ce jeu est très dangereux, lui accordant la note 5 – il sait qu’un enfant en est mort dans l’école que fréquente sa cousine –, mais insiste sur le fait qu’il y joue pour cela, pour « être un héros », précise-t-il en plaisantant. Bertrand évalue, également, la dangerosité à 5, arguant qu’il est « un soldat », ainsi que Manon, qui estime ce jeu « vachement dangereux ». Arthur, qui pense que le foulard est « très dangereux, mais pas totalement », le note 4,5, tandis que Pierre et Elsa lui accordent la note 4. Samira est plus partagée et estime différemment la dangerosité, selon qu’il s’agit des autres (4) ou d’elle-même (2,5), de même que Damien et Céline, qui notent une dangerosité de 3,5. C’est Chloé qui est la plus ambiguë, déclarant que le jeu est dangereux – sinon elle ne « le ferait pas, personne ne le ferait, c’est sûr » –, tout en lui attribuant seulement une dangerosité de 2,5.
Ce danger perçu est vecteur d’anxiété. Jérôme se ronge les ongles et/ou joue au foulard pour calmer son angoisse, selon les circonstances. Elsa joue également pour s’apaiser, mais pas systématiquement, Arthur dit « ne pas avoir de recettes » quant à ses peurs, mais que « cela lui pose problème » ; Bertrand, Chloé et Samira, « ne pas savoir », et Damien précise que « quand c’est pas supportable, il cherche quelque chose, aime bien les sensations ». Manon essaye de ne pas trop penser et Coline ne fait rien. À la question de savoir ce qu’ils pensent de la dangerosité prêtée au jeu du foulard par les adultes, les adolescents répondent que ceux-ci n’ont pas tort. Mais, précise Jérôme, « on a le droit d’avoir nos petits plaisirs à nous », et Arthur : « si on fait rien de dangereux, on vit pas. Non ? ». Et Pierre d’ajouter : « faut pas être adulte pour savoir que c’est dangereux… ». Pour neuf des dix jeunes interrogés, les parents ne sont cependant pas au courant de leurs jeux. Cela ne leur paraît même pas envisageable, au regard de leurs réactions potentielles. La dimension transgressive est patente, même si elle n’apparaît évidemment pas seul moteur du jeu.
Les hypothèses
Deux hypothèses avaient été posées, concernant la conscience de l’interdit et du danger, le caractère auto-calmant de la pratique et l’anxiété pouvant lui être associée.
Le jeu, le danger, l’interdit
La première hypothèse envisageait que la pratique du jeu du foulard devait être accompagnée par une conscience plus ou moins explicite de l’interdit et du danger. Les caractéristiques associées au foulard par les jeunes évoquent des frontières poreuses entre les dimensions « intimes » et « initiatiques », décrites par Bour. La définition qu’ils en donnent conjugue majoritairement plusieurs points : une dimension ludique est mise en avant par la plupart, « s’étrangler pour rire ». Le rapport au corps et le caractère invasif de la pratique sont également mis en avant. L’interdit est également patent dans le discours de ces jeunes, qui, dans huit cas sur dix, Pierre et Elsa exceptés, pensent transgresser un interdit plus ou moins tacite, Arthur évoquant même la transgression manifeste, voire instigatrice de la pratique. La conjugaison de la dimension ludique, d’un danger jugé attrayant, de la transgression et de l’aléatoire – Jérôme ne mentionne-t-il pas son « goût du risque » ? –, corrobore la valence ordalique de l’acte strangulatoire, ainsi compatible avec notre première hypothèse.
Un caractère auto-calmant
La deuxième hypothèse posait que la pratique du jeu du foulard devait revêtir un caractère bénéfique auto-calmant. On a vu que la dimension anxieuse était présente chez tous les sujets, que l’« anxiété-état » était manifeste, puisque tous disaient ressentir une peur antérieure à la pratique, affect qui se dissipait au fur et à mesure du jeu, pour faire place aux « sensations démentes » et hallucinatoires, voire aux désagréments somatiques ultérieurs. La vertu cathartique à court terme a, ainsi, été citée par tous les sujets qui, dans certains cas, notamment Manon, vont jusqu’à parler d’effet de « relaxation ». Le procédé auto-calmant semble donc efficace, ce qui est en faveur de notre deuxième hypothèse.
Une anxiété-état marquée précédant la pratique
Notre deuxième hypothèse supposait, également, que les adolescents, reconnaissant pratiquer le jeu du foulard, devraient présenter un tableau anxieux particulièrement prononcé, tant sur le versant social, que généralisé. À la question « Est-ce que tu as peur quand tu pratiques ? Avant ? Après ? », les réponses des sujets mettent en avant une propension générale de l’angoisse diffuse et quotidienne dans leur vie. Bien que tous ne décrivent pas une angoisse paralysante, seul, un sujet dit se sentir « cool », sans émettre de commentaire supplémentaire. En effet, Jérôme dit être inquiet mais « je ne sais pas si c’est sans raison, c’est tous les jours ». Arthur, quant à lui, dit tenter « de s’imaginer dans 10 ans pour calmer l’angoisse de l’instant présent » mais il conclut en disant « finalement il ne vaut mieux pas ». Damien quant à lui décrit une inquiétude et une angoisse quotidienne diffuses à laquelle il se serait « habitué » : « c’est normal d’être inquiet dans ce monde, et pour moi ça a toujours été ». Ainsi, les stratégies potentielles de « faire face », sont polymorphes, mais sous-tendent, souvent à demi-mot, des recherches de sensations, voire explicitement, le recours à la conduite strangulatoire. Les réponses des sujets ont, donc, permis de soulever le versant généralisé de l’anxiété, allant dans le sens de notre hypothèse, mais, sauf une suggestion isolée, « le regard moqueur des autres », signalé par Damien, en réponse à la question « Dans la vie est-ce que tu es généralement inquiet sans raison ? », aucun argument récurrent ne permet d’étayer le versant social.
Discussion
La présente étude semble aller, en grande partie, dans le sens des hypothèses que nous souhaitions mettre à l’épreuve. L’interdit, souvent implicite, serait intériorisé, puisque aucun des adolescents ne dit avoir dévoilé sa pratique à ses parents ; d’ailleurs, dans certains cas, la crainte relative serait manifeste. Ainsi, à la question « Est-ce que tes parents sont au courant ? », Damien nous répond : « Non, alors là, je serais mort » et Samira nous interroge : « Ça va pas non ? Jamais de la vie ».
La transgression inhérente à la transition adolescente (Coslin, 2010), serait un enjeu majeur de l’acte strangulatoire. Le corps instrumentalisé (Michel, 2006) deviendrait le « médium » privilégié d’un jeu « sur le fil », d’un jeu sur la limite, qui met en jeu l’aléatoire, métaphore du doute, émanant de toute quête identitaire, avec, comme le dit Pierre, « le risque de se ramasser », attrait majeur pour les adolescents et expression d’une quête des limites : « je joue avec mon corps, je vois jusqu’où je peux aller, je me lance des défis ».
Les adolescents s’en remettraient donc, semble-t-il, au hasard, mais cette dimension mérite d’être discutée. En effet, si les jeunes envisagent bien ce jeu comme une quête sensationnelle, véritable transition entre danger et pulsion, il faut aussi noter qu’ils désirent « réussir à ne pas se barrer complètement », car, comme le remarque Arthur, « On n’est pas… comment on dit… suicidaire, c’est ça ? ». Le retour est plus orchestré qu’espéré. Il pousse les jeunes à mettre en place des subterfuges pour transgresser, flirter avec « l’ailleurs » en s’assurant d’un potentiel retour. À cet effet, certains sujets, notamment masculins, comme Jérôme ou Arthur, ont abandonné une pratique solitaire par peur de « perdre le contrôle », les pairs pouvant pallier la défaillance du strangulé, en le réveillant, notamment, avec de l’eau froide, comme l’indiquent Jérôme et Chloé. Dans cette perspective, la prise de tour revêt l’allure d’une assurance supplémentaire ; l’autre devient le relais, dans une relation de totale confiance, comme le souligne Coline et l’amitié ambivalente qui l’unit à son amie. Le jeu du foulard ne pourrait-il, alors, être envisagé comme un secret dangereux, sacralisant cette relation troublante, qui interroge le corps de l’autre, le corps propre, et l’entre deux.
Cependant, il convient de noter que les pratiques solitaires de Pierre et d’Elsa, ne bénéficient pas de ce contrôle manifeste, surtout dans le cas de la jeune fille qui, contrairement à son homologue, ne prend pas la peine de mettre une sonnerie de réveil, pour assurer son retour. Il est vrai que le réveil revêt plus l’allure d’un artifice rassurant que d’une réelle garantie. Il n’en demeure pas moins qu’Elsa souffre de « l’absence » de sa mère, rappelons-le, médecin urgentiste, très prise par son travail. Cette absence semble jouer un rôle tel que l’adolescente aurait explicitement recours à la strangulation pour calmer ce mal être diffus. Au regard des autres cas de cette recherche, une expression aussi explicite du jeu, comme réponse à l’anxiété-trait, en plus de l’anxiété-état, ne sera avancée qu’une seule autre fois, par Jérôme.
L’« anxiété-trait » est largement étayée par les dires des jeunes qui décrivent, majoritairement, un caractère relaxant. L’acte chasserait l’angoisse sur deux plans distincts, mais, évidemment, complémentaires : la pensée et le corps (« relaxation », « détente »), dont les liens exiguës deviennent particulièrement complexes en ce temps de transition formelle, somatique et pulsionnelle. Si la conduite revêt toutes les caractéristiques des procédés auto-calmants, il convient de l’envisager comme un palliatif plus large, car neuf sujets sur dix présentent le tableau caractéristique de l’anxiété-trait, abordée à partir de la question « Dans la vie est-ce que tu es inquiet sans raison ? ». Une étude de cas individuels approfondie, éventuellement étayée par les échelles standardisées de Spielberger (1966), permettrait d’asseoir ou d’infirmer les tendances présentement esquissées.
L’anxiété sociale ne semble pas prégnante, mais il convient d’adopter un certain recul vis-à-vis du vaste champ qu’elle recouvre. Les pairs jouent un rôle notable dans la quête identitaire du jeune. L’émulation, le défi et la comparaison sont autant d’éléments qui ne permettent pas de reléguer totalement a posteriori cette hypothèse. Interrogé sur ce qu’est, pour lui, le jeu du foulard, Bertrand ne nous répond-il pas : « c’est un moyen de se comparer aux autres et de se battre sans se taper dessus… On prend un truc on se le passe autour du coup, on tire et voilà. Même les plus débiles savent y jouer… d’ailleurs, j’y joue ».
Le regard des pairs, rappelle Le Breton (2004), a un effet de renchérissement de ces conduites chez les garçons, à cause de la valorisation du risque dans leur imaginaire de la virilité, mais aussi par crainte d’une réputation de pusillanimité. Il est impensable de se dérober face à l’épreuve, tant cela entraînerait une perte de l’estime de soi et de la place que l’on occupe au sein du groupe. Le risque identitaire n’est-il pas plus redoutable à assumer que le risque pour la santé ou la vie ?
Conclusion
La présente étude tend à mettre au jour l’impact du facteur anxieux dans le jeu du foulard. Les dimensions hallucinatoire et corporelle, qui en émanent, instrumentaliseraient la transition adolescente. La peur de la peur inviterait au soulagement rapide, négligeant ainsi l’élaboration psychique d’une croisée des chemins transactionnelle.
Les pratiquants vantent des conduites solitaires, duelles ou collectives, dont il serait intéressant de cerner les particularités poreuses. La mise en scène du corps et la quête de limites, ne conféreraient-elles pas un sens particulier à cette pratique, en fonction du sexe de l’adolescent ? En effet, garçons et filles assimilent des « scripts » sexuels, qualitativement différenciés. Habituellement, les conduites à risques adolescentes induisent une relative dichotomie entre externalisation masculine et internalisation féminine (Dumont, Leclerc et Pronovost, 2000). La strangulation féminine doit-elle être interprétée comme un « contre exemple » ? Faut-il envisager cette instrumentalisation du corps, au regard d’une « enveloppe féminine », de plus en plus « objectalisée » dans la société contemporaine et, a fortiori, dans l’univers médiatique ?
D’un autre côté, l’ennui décrit par les sujets, invite à réfléchir sur l’excitation somatique et psychique émanant du danger. Le collège abrite, souvent, ces conduites strangulatoires. Insidieusement, il étaierait l’acte : les jeunes échapperaient ainsi à l’« inertie des bancs d’écoles », cristallisant un vide chronique, « syndrome de morosité » (Mâle, 1984).
Enfin, les allusions des pratiquants offrent de nouvelles pistes de réflexion dans le champ psychopathologique. L’évasion chimérique, liée à l’anoxie, ne risquerait-elle pas de glisser insidieusement vers des tendances addictives ? La peur de la peur trouverait un palliatif opérant, tant sur le plan psychique que somatique. Or, ce double bénéfice ne rejoint-il pas celui décrit chez les sujets en proie aux conduites addictives ? Le jeu du foulard, « nouvelle ordalie », ne risque t-il pas d’investir prochainement le large spectre des « nouvelles drogues » ?
Guide d’entretien
Thèmes abordés
A. Définition du jeu du foulard
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1/ As-tu déjà vu quelqu’un pratiquer le jeu du foulard ?
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2/ Comment définirais-tu le jeu du foulard ?
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3/ C’est quoi pour toi le jeu du foulard ?
B. Et les autres ?
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4/ D’après toi, pourquoi est-ce que ce « jeu » a tant de succès auprès des adolescents
C. Pérennisation, ancienneté de la pratique
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5/ Depuis quand pratiques-tu ce jeu ?
D. État actuel de la pratique
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6/ Le pratiques-tu encore ?
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7/ Est-ce que tu le fais souvent ?
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8/ Pourrais-tu dire combien de temps ça dure, environ ?
F. Conduite solitaire ou groupale
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9/ Quand tu joues, tu es seul ? tu es en groupe ? qui joue ? (prise de tours ? succession ? jeu simultané ?)
G. Déroulement
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10/ Et comment ça se passe ?
H. Sensations durant, avant et après la pratique.
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11/ Qu’est-ce que tu ressens ? (Comment est abordée la notion de ressenti ? Mise en avant du somatique ou des sensations émotionnelles ? Acte comme une libération de l’émergence anxieuse ?)
I. Anxiété-État
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12/ Est-ce que tu as peur quand tu pratiques ? Avant ? Après ?
J. Anxiété-Trait
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13/ Dans la vie, est-ce que tu es généralement inquiet sans raison ?
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14/ Dans ces situations, comment est ce que tu fais pour calmer l’angoisse ?
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Cette question n’est posée que lorsque la réponse précédente s’y prête
K. Conscience du danger
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15/ Est-ce que tu penses que c’est dangereux, sur une échelle de 0 à 5, sachant que 0 désignerait « pas du tout » et 5 « très dangereux » ?
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16/ Quand un adulte te dit que c’est dangereux, qu’est-ce que tu en penses ?
L. Le pourquoi
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17/ Pourquoi est-ce que tu y as joué ? Pourquoi tu continues ? Pourquoi as-tu arrêté ?
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18/ Tes parents sont-ils au courant ?
Sujets
Dix sujets
Jérôme, 14 ans et deux mois, scolarisé en classe de 3e, vit avec ses parents à Paris. Il a une sœur étudiante de 19 ans. Son père est juriste et sa mère est secrétaire médicale. Il dit spontanément être un élève « moyen ».
Pierre, 14 ans et 15 jours, vit dans une petite ville de province dans un appartement d’un quartier résidentiel. Il a une demi-sœur de cinq ans et vit avec sa mère, professeur des écoles, et son beau-père, artisan, son père ne l’ayant jamais reconnu. Scolarisé en 3e, il obtient régulièrement des résultats « moyens », voire « mauvais », selon ses dires.
Arthur, 14 ans et cinq mois, vit avec ses parents dans un pavillon de la banlieue d’une petite ville. Son père est cadre et sa mère est médecin en libéral. Il a une demi-sœur âgée de 30 ans, issue d’un premier mariage de sa mère, qui ne vit plus au domicile familial. Il est en 4e et dit suivre une scolarité « pas alarmante ».
Bertrand, 15 ans et un mois, vit seul dans un appartement de centre ville avec son père, peintre en bâtiment. Sa mère s’est remariée, elle est secrétaire et vit avec un autre homme, dont elle a eu récemment une petite fille, à quelques kilomètres du lieu de vie de Bertrand. Celui-ci la voit très rarement, aucun des deux, selon lui, n’en ressentant le besoin. Il est scolarisé en classe de 3e et dit « ne pas faire des merveilles en cours ».
Damien, 14 ans et deux mois, vit avec ses deux parents en banlieue. Son père est gérant d’un centre commercial et sa mère, professeur d’anglais. Il est fils unique et, scolarisé en 4e, se déclare « assez bon élève ».
Chloé, 14 ans et 1 mois, vit seule avec sa mère divorcée, vendeuse dans un supermarché, dans une maison à la campagne. Elle ne voit plus son père, employé de banque. Scolarisée en 4e, elle se dit « assez bonne élève ».
Samira, 14 ans et sept mois, vit en HLM avec ses parents. Elle a deux frères aînés de 26 et 22 ans qui ont quitté le domicile familial. Son père est ouvrier du bâtiment et sa mère garde des enfants à domicile. Sa famille est de religion musulmane, mais Samira dit ne pas être pratiquante. Scolarisée en classe de 3e, elle dit que ses résultats scolaires sont « moyens ».
Manon, 13 ans et deux mois, vit avec ses parents en banlieue d’une ville de province. Son père est directeur de vente dans un magasin, sa mère directrice de crèche. Elle est scolarisée en 5e et dit obtenir des résultats « convenables, ni brillants ni mauvais ».
Coline, 15 ans et trois, mois vit avec sa mère dans un pavillon de banlieue. Sa mère est professeur des écoles, et son père, menuisier, la voit sporadiquement. Scolarisée en 3e, elle se dit « en difficultés scolaires ».
Elsa, 13 ans et neuf mois, vit à Paris avec sa mère, médecin. Elle ne connaît pas son père. Elle est en 4e et se dit « bonne élève ».
Document : Élise Pelladeau & Pierre G. Coslin